Lettre de Sidi Ahmed Tijani à un juriste

Parmi les lettres de Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) retranscrites dans Djawahirou-l-Ma’ani, se trouve celle adressée à un juriste, notable de la ville de Salé.

Louange à Allah, prière et salut sur le Messager d’Allah.

Ton courrier nous est parvenu, nous l’avons lu et saisi le sens de son contenu. Tu nous as interrogés à propos de notre situation et celle de nos compagnons. Sache que, par la grâce d’Allah, nous allons bien et sommes dans le bien, à Lui la louange et la gratitude jusqu’à Son agrément. Il a répandu sur nous, ainsi que sur nos compagnons, ce qu’Il a répandu sur l’ensemble des musulmans. Louange à Allah dans toutes les situations. Nous demandons à Allah – glorifié et exalté – qu’Il nous couvre de Son attention dans ce monde et dans l’au-delà. Qu’Il nous inonde, ainsi que toi, de Sa bonté et de Sa générosité, de cet instant et à jamais. Qu’Il soit pour nous et pour toi un allié, un secours, un appui et un soutien dans tous les états, dans la facilité comme dans la difficulté. Qu’Il nous enveloppe, ainsi que toi, de Sa protection la plus complète, Sa constante préservation et Sa plus précieuse sauvegarde. Il est, certes, le Garant en cela et le Capable.

Et ce à quoi je t’exhorte, dans ton cheminement et dans tes actes, est d’accrocher fermement ton cœur à Allah autant que faire se peut. Résigne ton cœur en le consolidant dans les voies des décrets divins. N’accoutume pas ton âme souillée à s’impatienter devant l’ordre d’Allah, car cela engendre la destruction du serviteur dans ce monde et dans l’au-delà. Et si autour de toi la situation se resserre et que persistent les malheurs, cherche alors refuge auprès d’Allah – exalté – et immobilise ta position devant la porte de Sa bienveillance. Implore, par la plénitude de Sa bienveillance, le soulagement et la dissipation de ce qui t’afflige, intensifie la supplication et l’invocation d’Allah pour cela.

Cependant, cela doit se faire dans un état où le cœur est entièrement absorbé par Allah, loin de toute distraction, à l’image d’une femme âgée ne possédant qu’un seul et unique enfant que l’on vient subitement lui arracher des mains pour lui trancher la tête. Elle implore dès lors l’aide d’Allah et l’assistance des gens afin que lui soit porté secours. Dans cet état, rien d’autre ne la tourmente, seul le sort de son enfant lui importe, son cœur ne s’intéresse alors plus à aucune autre affaire de ce monde ni de l’au-delà.

Voilà pourquoi celui qui se trouve être dans un tel état et qui, face aux malheurs et aux difficultés qui l’affligent, cherche refuge auprès d’Allah, tout en L’invoquant avec le nom « le Bienveillant » (Al-Latif) autant que possible, alors le soulagement lui sera apporté rapidement. Dans le cas contraire, la situation perdurera.

Et prends garde à ne pas t’exténuer dans la recherche de ton monde (matériel) jusqu’à outrepasser les limites qu’Allah a fixé dans Sa Loi, car tu te détruiras et tu n’auras plus de refuge auprès d’Allah. Comprends le sens de la parole prophétique (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) rapportée dans le Sahih qui dit : « N’est-ce pas en vérité que l’Esprit Saint a insufflé dans mon cœur qu’aucune personne ne mourra avant d’avoir épuisé sa subsistance. Donc craignez Allah et conduisez-vous décemment au cours de votre recherche, et ne supposez pas, lorsque vous voyez   venir les choses lentement, que vous pourriez être à même de les acquérir par la désobéissance à Allah. On ne peut en effet obtenir ce qui se trouve auprès d’Allah que par son obéissance. » Or cet océan est bien celui dans lequel tu vois l’ensemble des créatures se noyer et se perdre, sauf ceux que Sa grâce a préservés.

Gare, et gare encore, à rechercher continuellement le secours d’Allah pour chaque malheur. Avec cette façon d’agir, ton impatience face à la décision d’Allah deviendra une habitude. Tu ne tireras alors aucun profit de ta vie. Aussi, cette affaire ne doit se faire que de temps à autre : un moment tu t’affermis, en accord avec la décision d’Allah sans t’impatienter et sans demander le soulagement, et à un autre tu implores le soulagement d’Allah. Celui qui va vers Allah avec cette manière de faire,  les portes de la félicité lui seront alors ouvertes dans l’au-delà, et il parviendra à avoir une bonne vie, conformément à Sa parole – glorifié et exalté – : « Quiconque, homme ou femme, fait une bonne œuvre tout en étant croyant, Nous lui ferons vivre une bonne vie […] » (Sourate 16 Les Abeilles, verset 97).

Et ce que nous venons d’évoquer est suffisant. Que la paix et la miséricorde d’Allah soient sur toi.

Texte tiré et traduit du livre Djawahirou-l-Ma’ani

Recherche et traduction par la Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe