Question-réponse 32

Est-il possible de voir Allah, on m’a rapporté que certains marabouts à notre époque l’ont vu ? Est-ce qu’ Ahmed Tijani l’a vu aussi ?

REPONSE

Nous avons bien reçu votre question concernant la vision d’Allah. Il faut savoir que beaucoup de prétentions circulent sur la langue des ignorants, mais que valent-elles lorsque cela est confronté à la réalité de la science des véridiques et à la Connaissance des confirmés ?

Concernant le fait de pouvoir voir Allah réellement en ce monde, il faut savoir qu’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit :« Les regards ne peuvent l’atteindre, cependant qu’Il saisit tous les regards […] » (Sourate 06 Les Bestiaux, verset 103)

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « […] aucun de vous ne verra Son Seigneur avant qu’il meurt […] » (Rapporté par Mouslim).

Cheikh Abou Bakr Al Kalabadhi a dit dans Kitab al ta’arruf li madhdhab ahl al tasawwuf : « À notre connaissance, aucun des maîtres reconnus de cette communauté spirituelle et des hommes d’expérience n’a soutenu que Dieu était visible en cette vie ou qu’une créature L’avait vu. Nous n’avons rencontré cette allégation ni dans leurs ouvrages ou leurs épîtres, ni dans les récits authentiques les concernant, et nous ne l’avons pas entendu de la bouche de ceux que nous avons connus […]. Tous les maîtres ont été d’accord pour condamner comme égarés ou comme menteurs ceux qui soutenaient une telle chose. Ils ont même, comme Abou Sa’id Al-Kharraz, composé des ouvrages traitant de cette question. Djounayd aussi a montré leur mensonge et leurs égarements dans ses épîtres et en a parlé abondamment. Les écrits de ces maîtres témoignent bien de leur position, à savoir que quiconque a une telle prétention ne connaît pas Allah. »

Il a dit encore : « Les Soufis sont unanimes à déclarer qu’Il ne sera vu en cette vie ni par les regards, ni par les cœurs, à moins qu’il ne s’agisse de la certitude (de son Existence). Cette vision est en effet la faveur ultime et le bienfait suprême, qui n’est admissible que dans le lieu suprême […] »

Et il faut savoir que Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a dit « qu’Allah s’est voilé de lumière et que si l’existence voyait Allah sans voile et que cela atteignait leur regard alors dès cet instant, les Sublimes Majestés de Son Visage consumeraient toutes les existences qui l’ont vu sans voile et ils retourneraient ainsi, plus rapidement qu’un clin d’œil, à leur inexistence primordiale » conformément à la parole prophétique suivante :« Son voile est une lumière et s’Il l’enlève, la splendeur de Son visage brûlera tout ce que Sa vision atteindra parmi Sa création. » (Rapporté par Mouslim)

Dans un autre passage, il a commenté en ces termes : « Son voile est de lumière et cette lumière est de deux catégories de voiles empêchant aux créatures la vision du Vrai : le premier de ces voiles, c’est la « Réalité Mohammadienne », et il s’agit du plus grand canal reliant Allah et ses créatures. Le second voile c’est le manteau de la Magnificence couvrant son Noble Visage et il est impossible de le déchirer. » Par conséquent, comment concevoir que quelqu’un puisse prétendre avoir vu Allah au su de ce qu’il a dit précédemment et aussi en prenant compte de ces autres propos concernant le fait de pouvoir entendre la Parole de l’Essence Divine ?

Il a dit dans Djawahirou-l-Ma’ani : « Concernant les propos des Connaissants lorsqu’ils disent : « Je l’ai entendu… » c’est-à-dire Allah ou « Il m’a dit… » cela est limité au domaine suivant : c’est que les paroles attribuées à ces grands hommes dans ce domaine, dans l’attribution des propos à Allah, est une attribution mettant en rapport la créature avec le Créateur et non pas dans l’objectif de mettre en rapport la parole avec le locuteur. Celui d’entre ces grands hommes qui penserait qu’il a entendu la Parole de l’Essence Divine comme l’a entendu Moussa (sur lui la paix) alors il s’est égaré, s’est détourné du Vrai et s’est perdu. Allah dit : « Ce n’est nullement le fait d’un être humain qu’Allah lui adresse la parole si ce n’est par révélation ou de derrière un écran ou qu’Il envoie un messager pour qu’Il lui inspire avec Sa permission ce qu’il veut. Il est Sublime et Sage. » (Sourate 42 La délibération, verset 51) » Fin de citation.

C’est-à-dire que le sens voulu des propos des Connaissants est qu’ils désignent par là, non pas la parole de l’Essence, car ils ne veulent point insinuer qu’Allah leur a parlé de vive voix et ils sont les premiers à reconnaître cette impossibilité, mais ils veulent plutôt faire comprendre l’origine de cette parole qu’ils reçoivent soit par inspiration, soit par l’intermédiaire des Anges soit par d’autres formes d’émanations spirituelles qui sont l’apanage de ceux qui sont absorbés dans la contemplation Divine. Ainsi, l’origine est la même, mais le procédé et le degré diffèrent.

Il est possible d’illustrer cela avec un exemple plus parlant. Il nous suffit de prendre l’exemple du Qoran et des hadiths Qoudoussi. Personne n’ignore que dans les hadiths Qoudoussi, il est dit : « Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a rapporté de la part de Son Seigneur (qu’Il soit Glorifié et Exalté) qu’Il dit : « Ô mes serviteurs ! Je me suis interdit l’injustice […] » » Et malgré ce genre d’énoncé où Allah s’exclame clairement, il est formellement reconnu qu’on ne peut dire que les paroles rapportées dans le hadith Qoudoussi sont la parole de l’Essence Divine tout comme l’est le Qoran. Pourtant, personne ne peut dire que cela ne vient pas d’Allah, ainsi l’origine est la même, mais le procédé et le degré diffèrent.

De même, concernant les propos de Moussa (paix sur lui) dans le Qoran : « Ô Mon Seigneur, montre-Toi à moi pour que je Te voie ! » (Sourate 07 Al-A’raf, verset 143). Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a dit :

« La signification de ce verset, c’est que notre maître Moussa (paix sur lui) a demandé à voir Allah ce qui désigne en fait une manifestation particulière qu’Allah a réservée à notre Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). Or il l’a demandé pour lui aussi à Allah qui lui répondit : « tu ne Me verras pas » l’informant par là même (qu’Il soit Glorifié et Exalté) qu’il ne pourrait supporter cela. Il lui en démontra le signe à travers la montagne du fait qu’elle est intensément plus solide que lui. Ainsi, elle servit d’exemple et Il lui dit : « Observe la montagne, si elle reste en place alors que Je me manifeste à elle, alors tu pourras me voir toi-même ».

Lorsque Son Seigneur se manifesta à la montagne, et il a été dit qu’Il ne dévoila que ce qui correspond à l’œil d’une aiguille jusqu’aux premières manifestations de la Majesté de l’Essence Sacrée, alors la montagne fut entièrement détruite dès cet instant et forma un tas dévasté par la crainte révérencielle de la Majesté, et lorsque Moussa (paix sur lui) constata cela il perdit connaissance, foudroyé par la crainte révérencielle de la Majesté. Lorsqu’il reprit connaissance, il Lui dit : « Gloire et Pureté à Toi, je me repends auprès de Toi » en raison de cela, et « je suis le premier à croire que Tu ne peux être vu. » Fin de citation de Djawahirou-l-Ma’ani.

Sidi ‘Ali Khawwas (qu’Allah l’agrée) a dit : « Moussa (paix sur lui) n’a convoité cette vision qu’en rapport avec ce qu’il détenait comme proximité. Il est évident que les messagers sont ceux qui connaissent le mieux Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté), ainsi ils savent certainement que le Vrai (qu’Il soit Glorifié et Exalté) ne peut être saisi par la perception de la vue, comme il le convient à Son Infinie Majesté (qu’Il soit Glorifié et Exalté). C’est pour cela que Moussa n’a abordé, par cette question, que ce qui lui était correct au point de vue de la saveur spirituelle, de la transmission et de la raison, car ceci est ce qui est inconcevable pour la raison. »

Aussi, toute personne prétendant avoir vu, ou encore entendu Allah réellement comme l’a entendu Moussa en ce monde, sa prétention est mensongère. Cela n’est possible à aucune créature quelle qu’elle soit, hormis bien entendu dans le cadre des rêves où il est permis de voir et d’entendre Allah, mais ce n’est qu’une métaphore d’images projetées dans le mental du rêveur qui varie en fonction de la pureté intérieure du rêveur. Ce n’est pas une vision véritable des traits de son Seigneur, car rien ne ressemble à Allah : « […] Il n’y a rien qui Lui ressemble ; et c’est Lui l’Audient, le Clairvoyant » (Sourate 42 Choura, verset 11) et Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « N’attribuez donc pas à Allah des semblables […] » (Sourate 16 Les Abeilles, verset 74).

Ainsi, la vision peut bien avoir lieu au cours d’un rêve comme cela est arrivé à certains Prophètes (paix sur eux) et hommes pieux. Et, en cela, il a certes été rapporté dans un hadith de Mou’âdh (qu’Allah l’agrée) que le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a vu son Maître en rêve et qu’Allah – Exalté – a posé Sa main sur ses épaules de manière qu’il en a ressenti la froideur jusqu’à sa poitrine. Mais, pour son visage, rien ne Lui ressemble – qu’Il soit Exalté – chez les créatures. Également, quelqu’un prétendant avoir vu Allah mais sans préciser que ce fut au cours de son rêve, celui-là est un falsificateur qui n’a aucun égard envers l’inaccessible Pureté et Majesté d’Allah.

En revanche, il se peut que ce soit les propos qui ont été mal compris par un auditoire non expérimenté en entendant par exemple certaines déclarations extatiques dans le domaine de la contemplation (Mouchahada). La contemplation n’a rien à voir avec la vision réelle, il s’agit d’une forme de théophanie intérieure, mais elle n’est basée que sur la science et la saveur spirituelle acquise par le dévoilement des Attributs et Noms Divins. Elle fait progresser le cheminant qui se purifie et évolue dans les différents degrés, celle de la science de la certitude (‘Ilm el Yaqin), l’œil de la certitude (‘Aïn El Yaqin) et la réalité de la certitude (Haqq el Yaqin). C’est à cette forme de vision que fait référence le hadith : « c’est d’adorer Allah comme si tu le vois car toi si tu ne le vois pas, Lui certes te voit » tel que rapporté dans le long hadith de Mouslim. Cette théophanie est irriguée à partir de la Réalité Mohammadienne et c’est de cette catégorie qu’on tire son dévoilement, que l’on en soit conscient ou non.

Quant au voile du manteau de Sa Magnificence, il est impossible d’y avoir accès comme l’a expliqué auparavant Seïdina Ahmed Tijani (qu’Allah sanctifie son précieux secret). Par conséquent, vous comprendrez que Seïdina (qu’Allah sanctifie son précieux secret) avait une Connaissance trop profonde et complète de Son Noble Seigneur et de Son inaccessible Pureté et Majesté pour prétendre l’avoir vu réellement en ce monde. Donc, en dehors de ce cas préalablement cité, il ne faut pas tenir compte des propos et prétentions avancés par certains concernant la vision réelle d’Allah. Cela montre inévitablement qu’ils sont loin de Le connaître vu le peu d’égard qu’ils manifestent vis-à-vis de la pureté de Son Impénétrabilité et, par ce manque de décence, ils prouvent par là même qu’il ne faut point se fier à eux.

On parla un jour à Abou Yazid Bistami (qu’Allah l’agrée) d’un homme qu’on lui décrivit comme détenteur de la Connaissance. Il demanda à le rencontrer et alors qu’il était sur le point d’arriver auprès de lui, il l’aperçut dans la mosquée qui se raclait la gorge bruyamment. Il renonça alors à sa visite et revint sur ses pas en disant : « L’homme dont on n’est pas sûr en ce qui concerne une règle de bonne conduite dictée par la Loi, comment peut-on se fier à lui s’agissant des secrets de Dieu. » Donc, une fois encore méfiez-vous de tout ce qui peut se dire, et n’hésitez pas à nous contacter si vous avez d’autres questions.

Recherche et traduction par la Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe