Question-réponse 85

Qu’est ce que la science qu’on doit rechercher pour aller vers Allah ? Faut-il nécessairement un maître, une voie ?

REPONSE (partie 1) :

– « Allah atteste, et aussi les anges et les doués de science, qu’il n’y a point de divinité à part Lui, Le Mainteneur de la justice. Point de divinité à part Lui, Le Puissant, Le Sage » (Sourate 03 La famille d’Imran, verset 18)

– « Parmi ses serviteurs, seuls les savants craignent Allah » (Sourate 35 Le Créateur, verset 28)

– « Craignez Allah et Allah vous enseignera » (Sourate 02 La Vache, verset 282)

– « Et dis : ” Seigneur donne-moi toujours plus de science “» (Sourate 20 TaHa, verset 114)

– « Allah placera sur les degrés élevés ceux d’entre vous qui croient et ceux qui auront reçu la science » (Sourate 58 La discussion, verset 11)

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Celui qui emprunte une voie dans laquelle il cherche une science, Allah lui facilite par cette voie son cheminement vers le Paradis ». (Mouslim)

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « La Foi c’est :

– une connaissance avec le cœur

– une parole avec la langue

– et une œuvre mise en application suivant les lois prescrites ». (Tabarani)

Le but de l’existence des êtres humains et des Djinns est de connaître Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté), c’est-à-dire arriver à percer les ténèbres, l’impureté et l’ignorance à l’aide d’une science (ou connaissance) bénéfique qui nous permettra, par la grâce d’Allah, de pénétrer dans le domaine des Réalités Divines. Donc pour parvenir à notre but il faut emprunter un chemin qui, éclairé par cette science, nous permettra d’éviter les pièges tendus par les démons, par notre âme corrompue (Nefs), par nos passions (hawa) et par l’attrait de ce bas-monde. C’est le chemin de la purification intérieure en vue d’Allah.

Les premiers détenteurs de cette science ne sont autres que les Prophètes et Messagers d’Allah (sur eux la paix), et cette science est à la fois révélée (Wahiy) et réalisée en eux-mêmes. C’est pour cela que lorsque l’on demandait à la mère des croyants ‘Aïcha (qu’Allah l’agrée) quel était le caractère du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), elle répondait (qu’Allah l’agrée): « c’est un Coran qui marchait ».

Les Prophètes et Messagers divins (sur eux la paix) se sont succédé les uns après les autres, chacun venant compléter le prophète ou le message Divin qui l’avait précédé. Le Prophète Mohammed (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) avait d’ailleurs donné comme exemple celui de briques qui, ajoutées les unes aux autres, forment une maison.

Le Prophète Mohammed (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) est le sceau des Prophètes, cela veut donc dire que son message Divin renferme tout ce qui l’a précédé avec en plus ce qu’il est venu lui-même compléter, il a donc une réalisation parfaite et complète. C’est en ce sens que le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) avait dit que si le Prophète Moussa (sur lui la paix) était venu à son époque, il n’aurait eu pour seul salut (c’est-à-dire Moussa (sur lui la paix)) que le fait de suivre le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui).

Ici il faut mettre l’accent sur le terme [réalisation], car il constitue un aspect capital de la Connaissance d’Allah. Aussi, pour mieux comprendre, prenons un exemple :

Deux personnes ignorent le goût du miel et désirent le connaître. À l’une d’entre elles, on se contente de lui décrire ce goût en lui mentionnant tous les bienfaits qui lui sont attribués et en lui révélant tout ce qu’il y a à savoir sur le miel, tandis qu’à l’autre on ne lui présente qu’une cuillère de miel qu’elle s’empresse de goûter. De ces deux personnes, quelle est celle qui désormais connait réellement le goût du miel ; celle qui va nous réciter toutes ses connaissances théoriques sur le miel ou bien celle qui s’est contentée d’y goûter ? La réponse est évidente. Ainsi la différence qui sépare la perception de l’une vis-à-vis de l’autre est telle que la personne qui a goûté sait ce qu’est le miel, on dit alors qu’elle a réalisé ce qu’est le miel, et elle est comme celui qui voit, alors que l’autre personne ne se fera qu’une idée, elle vivra donc dans l’apparence de ce qu’est le miel sans pourtant le connaître réellement, elle est comme un aveugle.

Ainsi, dire qu’Allah est unique, qu’Il n’a pas d’associé et réciter par cœur les plus beaux noms d’Allah ne suffit pas à dire, comme le croient certains, que l’on connaît Allah. Non, il faut pour cela goûter par le biais d’un cœur purifié et donc [réaliser], car si une personne n’a pas goûté, malgré tout ce qu’elle peut dire ou réciter, elle ne vivra que dans l’apparence. Et tant qu’elle est dans l’apparence, elle peut être sujette à l’erreur et à l’égarement. Celui qui est aveugle du cœur sera toujours sujet au doute tandis que celui qui voit, il a la certitude et Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « L’aveugle et celui qui voit ne sont pas semblables ». (Sourate 35 Le Créateur, verset 19)

Ceux qui auront connu et « réalisé » pleinement cette science que le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a apportée, ceux-là deviendront les protégés d’Allah et ses alliés (Aouliya), les représentants d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et de son Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) dans ce monde, des conseillers bien guidés pour la communauté, et ils seront ceux pour qui Allah a dit dans le hadith Qoudousi : « […] Je serai l’ouïe par laquelle il entend, la vue par laquelle il voit, la main par laquelle il saisit et le pied avec lequel il marche, s’il me demande, Je lui donne et s’il cherche ma protection Je lui accorde ». (Boukhari)

Pour les besoins de la compréhension, nous allons distinguer dans cette science, d’un côté la science acquise et apprise qui s’est diversifiée entre le 2ème siècle et le 4ème siècle de l’Hégire et qui a donné naissance aux fondements du Fiqh (Jurisprudence), à l’exégèse (Tafsir), à la science des Hadith…ect. Nous nommerons les porteurs de cette catégorie de science les savants (‘Alim pl. ‘Oulama) spécialistes dans le domaine de l’aspect apparent de la législation (Chari’a).

De l’autre côté, il y a la science infuse inspirée (Ilhem) dans le cœur des gens favorisés par Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et qui ne circulait que chez certains des compagnons du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). C’est une science secrète que nous appellerons connaissance (Ma’rifa) et dont je nommerai les détenteurs Connaissants (‘Arif pl. ‘Arifin) et l’enseignement ou la voie qui permet de l’acquérir est appelé Tariqa.

Ces deux formes de science sont complémentaires et nécessaires. Ainsi, la science de la législation (Chari’a) représente une science externe et apparente qui consiste à définir, pour l’ensemble de la communauté, ses devoirs et ses droits tout au long de sa vie terrestre. Ceux-ci étant tirés des écrits du Qoran et de la Sounna. L’application des prescriptions de la Chari’a représente le degré spirituel appelé Islam (Soumission) et qui est le minimum vital spirituellement parlant. S’attacher seulement à cette science et à son application extérieure est comme posséder un corps sans âme qui, avec les assauts du temps, va flétrir, se putréfier, et ce, jusqu’à se décomposer.

Par conséquent, on voit naître des savants caractérisés par un laxisme teinté d’inaction et d’autres par une intolérance ignorante, ne cherchant pas à guérir mais à détruire, rejetant tout ce qui est autre. Ils ne rejettent pas le Qoran et la Sounna mais toute interprétation du Qoran et de la Sounna qui n’est pas la leur, et ce, même si cette interprétation provient de gens reconnus à travers l’histoire par des milliers de savants comme de véritables guides pour la communauté en science exotérique.

Cette science à elle toute seule ne convient pas aux exigences de la foi et aux besoins de l’éducation de l’âme corrompue (Nefs), car on entre dans la monotonie de la religion et la stagnation de la foi car, elle ne reste qu’une science apprise parfois sans compréhension profonde et par laquelle le cœur n’a pas été illuminé.

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « […] et bien des porteurs de sciences religieuses ne sont pas des gens de connaissance ».

De même, il a dit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « La science est de deux sortes : une science sur la langue qui est un argument contre le fils d’Adam et une science dans le cœur et c’est celle-là la science bénéfique ».

L’Imam ‘Ali (qu’Allah l’agrée) disait : « Il n’y a pas de bien dans une adoration sans connaissance de la religion, et il n’y a pas de bien en des connaissances sans compréhension -ou sans piété- et il n’y a pas de bien en une lecture sans méditation ».

Ibn ‘Abbas (qu’Allah l’agrée) décrivant les véritables savants et leurs caractéristiques a dit : « Ne savez-vous pas qu’Allah a des serviteurs muets par sa crainte sans être muets, ni incapable de s’exprimer ? En vérité, ce sont eux les savants, les éloquents, les orateurs, les nobles et les connaisseurs des jours d’Allah. Seulement, quand ils se souviennent de la grandeur d’Allah, ils perdent leurs esprits, leurs cœurs se brisent et leurs langues se coupent. Puis quand ils se réveillent de cela, ils se précipitent vers Allah par des œuvres pieuses. Ils se classent parmi les insouciants alors qu’ils sont intelligents et déterminés, et avec les injustes et les pécheurs alors qu’ils sont bienfaisants et innocents. Seulement, ce qui est grand, ils ne le trouvent pas assez grand pour Allah, et ils ne se contentent pas du peu pour Lui, et ils ne se vantent pas devant Lui par leurs actions, chaque fois que tu les vois, ils sont soucieux, craintifs, tremblants et peureux ».

Ibn ‘Abbas (qu’Allah l’agrée) dit encore en désignant la tombe de Zaïd ibn Thabit (qu’Allah l’agrée) : « Ainsi part la science, l’homme qui sait ce que personne d’autre ne sait meurt et sa science part avec lui ».

Chaddèd (qu’Allah l’agrée) a dit :

« Sais-tu comment la science sera enlevée ? »

« Non »

« Par l’enlèvement de ses contenants ! »

L’Imam Malek (qu’Allah l’agrée) a dit : « La science n’est pas l’accumulation des versions, mais c’est une lumière qu’Allah met dans le cœur de celui qu’Il veut »

Cette science appelée ‘Ilm a besoin d’être accompagnée par cette autre science appelée Ma’rifa(Connaissance) qui contrairement à la première est une connaissance individuelle, intérieure, cachée qui prend racine dans ce bas-monde pour atteindre sa consécration dans l’au-delà par la contemplation éternelle de la Noble Face d’Allah.

Un Connaissant a dit : « Celui qui n’apprend pas à connaître Allah dans ce bas-monde ne pourra pas le connaître dans l’au-delà ».

Les modalités de cette connaissance ont été enseignées par le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) à certains de ses compagnons (qu’Allah les agrée) qui ont été favorisés et qui en sont les gardiens.

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Abou Bakr ne vous est supérieur ni par ses prières ou ses jeûnes mais par quelque chose qui a pris place dans sa poitrine ».

Abou Hourayra (qu’Allah l’agrée) a dit : « J’ai recueilli deux récipients de paroles de l’Envoyé d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : une que je vous ai transmise et l’autre qui, si je vous la transmettais, vous me trancheriez la gorge ». (Boukhari)

L’Imam ‘Ali (qu’Allah l’agrée) a dit en désignant du doigt sa poitrine : « Il y a là une science immense. Ah ! Si j’avais trouvé celui qui la porterait ! Oui, je n’ai trouvé que ceux qui veulent la connaître sans être dignes de la porter ».

C’est une science infuse, inspirée (Ilhem). On demanda à Dhou-l-noun al Misri (qu’Allah l’agrée), célèbre Soufi et grand connaissant : « Comment as-tu connu Ton Seigneur ? » Il répondit : « J’ai connu mon Seigneur par mon Seigneur. N’était-ce mon Seigneur je n’aurais pas connu mon Seigneur ».

De même, Abou Yazid Bistami (qu’Allah l’agrée), autre célèbre Soufi, a dit en voulant expliquer à des traditionalistes la différence entre la science des docteurs de la Loi et l’inspiration directe des Connaissants : « Vous avez reçu votre science d’un mort qui l’a lui-même reçu d’un mort, alors que nous, nous avons reçu notre science du Vivant qui ne meurt pas ».

En effet, cette connaissance ne repose ni sur l’accumulation d’un savoir abstrait, ni sur l’étude et la réflexion.

Le grand maître Sarradj (qu’Allah l’agrée) a dit :

« Les sciences proviennent de trois sources :

– Un verset du livre d’Allah

– Une tradition remontant au Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui)

– Ou une sagesse découlant de l’un et de l’autre et survenue dans le cœur d’un des saints de Dieu»

Djunaïd (qu’Allah l’agrée) devait ajouter : « Notre science est liée par le Qoran et la Sounna ».

Il est évident que le Qoran, contrairement à ce que pensent certains, n’a pas qu’un sens apparent et exotérique. Étant la parole d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté), ce serait limiter Allah lui-même.

Or, comme le dit Allah de lui-même (qu’Il soit Glorifié et Exalté) : « C’est Lui le Premier et le Dernier, l’Apparent et le Caché » (Sourate 57 Le fer, verset 03)

Il en est de même de sa parole comme le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) l’a indiqué : « Si les choses deviennent pour vous indiscernables comme les heures d’une nuit noire, prenez le Qoran, car c’est un intercesseur accepté ou un adversaire triomphant. Quiconque le place devant lui, il le conduira au Paradis et quiconque le place derrière lui, il le conduira au Feu. Il est l’indicateur pour le meilleur chemin, c’est la parole qui tranche et non la plaisanterie. Il a une apparence et un fond, son apparence est une loi et son fond est une science. Son océan est profond, ses merveilles sont innombrables et les savants ne s’en rassasient pas… »

La science de la connaissance est la plus haute science. La plupart des gens ne se soucient guère de la dignité de cette science, ignorent ses subtilités, méconnaissent le grand danger qu’elle renferme et sont distraits de ses secrets subtils. Personne ne la connaît sauf les cœurs favorisés par Allah. Cette science est le fondement sur lequel sont bâties les autres sciences. C’est par elle qu’on atteint le bien et la dignité des deux mondes, c’est par elle que le serviteur connaît les défauts de son âme corrompue (Nefs), le bienfait de son Seigneur, la majesté de Sa Seigneurie et la perfection de sa Puissance. C’est par elle que le secret intime (Sirr) du serviteur s’envole, doté des ailes de la connaissance, dans le domaine des subtilités de la Toute Puissance Divine, tourne autour du terme de la grandeur et s’élève vers les jardins de la Sainteté Divine.

On interrogea Djunaïd (qu’Allah l’agrée) sur la connaissance, il dit : « C’est l’existence de ton ignorance, lorsque paraît la science (c’est-à-dire la science d’Allah) » « Expliquez-vous davantage », lui dit-on. Il répondit : « Allah est alors le connaissant et le connu. Plus on avance dans les degrés de la Proximité d’Allah et plus les traces de la grandeur Divine deviennent manifestes (pour le Wali), plus aussi il acquiert la science de l’ignorance, et plus il augmente dans la connaissance de son propre néant. L’ébahissement s’accroît d’un nouvel ébahissement, un cri s’élève du fond de la nature du connaissant qui dit : ” Mon Seigneur rend moi toujours de plus en plus stupéfait en Toi “ ».

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) cite dans le Qoran El Khadir devant qui fut envoyé le prophète Moussa (sur eux la paix) pourtant détenteur de la révélation (Wahiy) afin de recueillir une science infuse (‘Ilm Ladouni) qui émanait d’Allah et qui se déversait sur ce mystérieux personnage :

Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Ils (Moussa et son valet) trouvèrent l’un de nos serviteurs à qui Nous avions donné une grâce de notre part et à qui Nous avions enseigné une science émanant de Nous » (Sourate 18 La Caverne, verset 65)

Malgré tous ces témoignages provenant du Livre d’Allah, des hadith prophétiques et des dires des pieux Imams, les gens des voies spirituelles ont subi de la part de certains théologiens (‘Oulama) de différentes époques, des rejets, du mépris et parfois même des attaques, et ce, jusqu’à notre époque. La jalousie maladive explique beaucoup de ces comportements. En effet, les soufis étaient et sont des gens de terrains, qui par leurs prodiges et leurs simplicités fascinaient les populations, réformaient leur foi et comportement et étendaient, grâce à leur charisme, la foi de l’islam dans les contrées les plus éloignées (d’Asie en Afrique noire) et les cœurs les plus hermétiques (hindouiste, bouddhiste, animiste…). Et ils n’hésitaient pas à rejeter tout honneur mondain et toute proximité avec les rois, émirs et autres califes, chose que ne pouvaient faire les savants des palais, car ils étaient entretenus par ces rois et califes.

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) et ses compagnons (qu’Allah les agrée) avaient mis en garde contre les savants qui fréquentaient les sultans et émirs, car ils recherchent ce bas monde au lieu de rechercher l’au-delà :

Ibn Mass’oud (qu’Allah l’agrée) a dit : « Si les porteurs de la science la protégeaient et la transmettaient à ceux qui en sont dignes, ils auraient dominé leur époque. Mais ils ont donné aux possesseurs de ce bas-monde pour obtenir de leur richesse et ils ont perdu toute valeur aux yeux de ces derniers. J’ai entendu notre Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) dire : « Celui qui se donne un souci unique, le souci de l’au-delà, Allah se chargera pour lui des autres soucis. Et celui dont le souci est dispersé dans les problèmes de ce bas-monde, Allah ne se souciera pas qu’il périsse dans n’importe laquelle de ses voies » ».

Ibn ‘Abbas (qu’Allah l’agrée) a dit : « Si les porteurs de la science la prenaient en respectant son droit et en assumant ses implications, Allah les aimerait ainsi que ses anges et ses saints et les gens les vénéreraient. Mais ils ont cherché ce bas monde avec, Allah les a détestés et les a méprisés ».

Omar (qu’Allah l’agrée) demanda à Kaab (qu’Allah l’agrée) : « Qu’est-ce qui fait partir la science des cœurs des savants après qu’ils l’aient apprise et assimilée ? » Il dit : « Ce sont la cupidité et le fait de demander les faveurs aux gens ».

L’Imam ‘Ali (qu’Allah l’agrée) évoqua des déviations qui auront lieu à la fin des temps. ‘Omar (qu’Allah l’agrée) demanda : « Quand sera cela, ‘Ali ? » Il (qu’Allah l’agrée) dit : « Quand on s’instruira pour autre chose que la religion, qu’on apprendra mais pas pour pratiquer et qu’on recherchera ce bas monde avec les œuvres de l’au-delà ».

Houdheyfa (qu’Allah l’agrée) a dit : « Méfiez-vous des lieux de tentations ! » « Et quels sont les lieux de tentations, Abou Abdallah ? » demandèrent-ils. « Les portes des émirs. Vous entrez chez l’émir, vous lui donnez raison mensongèrement et vous le flattez par ce qui n’est pas en lui ».

Ibn Mass’oud (qu’Allah l’agrée) a encore dit : « Aux portes des sultans, il y a des tentations comme les écuries des chameaux. Par celui qui tient mon âme dans Sa main ! Chaque fois que vous obtenez une part de leur richesse matérielle, ils vous font perdre autant -ou le double- de votre religion ».

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a mentionné dans un hadith que les trois premières personnes à entrer en Enfer seront un savant, un martyr et un homme riche généreux, car ils œuvraient non pas pour Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) mais dans la perspective d’être appréciés des gens, par pure ostentation.

De même parmi les causes de rejet, pour les plus intègres d’entre eux, le fait d’être confronté à une science, à une connaissance qui leur est inconnue et qui représente un océan face à la goutte (précieuse certes !) qu’ont recueilli ces savants. Et lorsqu’on ne connaît pas une chose, on en a peur et on la rejette, et cela, même si celle-ci est véridique et authentique. Pour mieux comprendre cette réaction, c’est comme si l’on exposait et démontrait, à l’époque du moyen-âge, les sciences modernes et les découvertes contemporaines que nous connaissons. Certes, ces gens en raison du décalage immense du savoir existant entre ces deux époques, nous prendraient pour des sorciers ayant contracté un pacte avec le diable et en raison de toutes ces manifestations étranges ils désireraient nous brûler.

C’est ce que retrace le Qoran lorsqu’El Khadir (sur lui la paix) dit au prophète Moussa (sur lui la paix) qui était venu apprendre auprès de lui : « Il dit (El Khadir) : « Vraiment tu ne pourras jamais être patient avec moi. Comment endurerais-tu sur des choses que tu n’embrasses pas par ta connaissance » (Sourate 18 La caverne, versets 67-68)

Ainsi, ce rejet de l’inconnu qui est cité dans le Livre d’Allah et formulé par certains savants à l’égard des Connaissants a été concrétisé par leur manque de patience et de confiance, faute qui peut leur coûter de ne jamais pouvoir connaître Allah ni dans ce monde, ni dans l’autre. Qui plus est, les paroles et faits des Connaissants peuvent prêter à confusion, car ce sont des gens qui côtoient et expriment la réalité des choses et non plus les apparences comme le font ces autres savants. Ils ont accès aux réalités les plus voilées ce qui a tendance à déconcerter les gens habitués au monde des apparences.

Une fois, un saint homme d’Allah fut accusé par certains de prononcer des paroles de mécréance. Les savants des palais et autres juristes le convoquèrent à un endroit afin de le juger pour son crime. Pour sa défense le saint homme affirma qu’il n’exprimait que la pure réalité et se mit à clamer haut et fort : « Certes votre dieu est sous mes pieds ». Les savants horrifiés le condamnèrent à périr sur-le-champ pour cette parole mécréante qui en fait ne l’était pas. Au moment où ils s’apprêtaient à s’emparer de lui, il souleva son pied et laissa voir une pièce en or, ce qui expliqua la parole de ce maître soufi. En fait, il n’a fait que révéler ce que renfermait toute poitrine, car ils n’agissaient et n’étaient motivés que par les richesses que détenaient les sultans.

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Méfiez-vous du regard du croyant, car il voit par la lumière d’Allah » (Tirmidhi)

Une fois aussi un homme de Dieu qui était installé dans le rang des prieurs se mit à mugir telle une vache. Après la prière les gens exaspérés par son comportement voulurent le corriger, celui-ci s’excusa en expliquant qu’il n’a fait que suivre l’Imam conformément à ce que la Loi exige vis-à-vis du prieur qui se trouve derrière un Imam. L’assistance n’a pas compris les paroles de ce soufi et ce qu’il a voulu insinuer jusqu’à ce que l’Imam se présente en ayant entendu ses dires. Celui-ci avoua alors que pendant la prière il avait eu un moment d’inattention à cause de ses vaches qui le préoccupaient et qui se trouvaient dans une de ses propriétés, jusqu’au moment où le saint homme poussa son cri. Cela lui a permis de reprendre ses esprits, de se repentir et de continuer la prière avec concentration.

Enfin, si certains savants ont rejeté la voie de la Connaissance (Tariqa) et l’enseignement soufi, c’est aussi parce qu’à travers l’histoire beaucoup de gens ou de disciples de véritables maîtres, ne sont pas devenus des soufis « accomplis », bien qu’ils aient eu cette prétention. Ils faisaient un usage abusif de la mendicité, délaissaient les principes fondamentaux de la Chari’a tel que la prière et le jeûne et par leurs agissements ils ont trahi l’enseignement de leur Cheikh et l’ont déformé. Ils se sont orientés vers des pratiques qui ont plus un rapport avec le charlatanisme et la sorcellerie qu’avec les sources de l’Islam. Par leur comportement, ils n’ont fait que suivre les orientations de leur âme charnelle (Nafs) et ils se sont par là même détournés de la voie de la Connaissance et donc celle de l’Islam.

Par leur manque de sincérité, ils se sont égarés de la Voie, voie qui n’accepte aucune dualité Nafs-Dieu car c’est la voie de l’unicité. L’itinérant qui l’emprunte se doit d’abandonner toute prétention et tout désir personnel, car c’est un voyage vers Allah, pour Allah et tout manque de sincérité sera sanctionné par l’égarement. En effet, Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) ne révèle-t-Il pas dans le Qoran par la bouche d’iblis symbole de l’égarement : « Il dit : « Par Ta Puissance et Ta Considération je les séduirai assurément tous…sauf Tes serviteurs sincères parmi eux » (Sourate 38 Sad, versets 82-83)

Ces déformations et autres égarements dus à ces « faux soufis » furent et sont encore les arguments préférés de ceux qui veulent s’attaquer et discréditer l’enseignement des Waliou Allah (protégés d’Allah), discrédit qui s’effondre devant une étude sérieuse et profonde des écrits des maîtres de la Connaissance, à travers l’histoire tout entière. Ainsi, vouloir accuser l’ensemble des gens véridiques de la Voie pour les fautes des autres rendrait légitime l’accusation du prophète ‘Issa (Jésus) (sur lui la paix) pour les déviations qu’ont effectués les gens de sa communauté après lui. Ou encore rendrait valable l’argument de toute personne reniant l’Islam à cause du comportement malveillant de certains musulmans, pourtant non conforme et non soutenu par l’enseignement du Qoran et de la Sounna (tradition prophétique).

Aussi, toute personne qui est réellement à la recherche du chemin de la Vérité, se doit d’éviter un jugement trop rapide, cela en s’efforçant d’acquérir une connaissance et une étude sérieuse et sincère de la chose qu’il est en train de juger, en ayant soin de mesurer s’il est apte à comprendre, car on ne peut pas demander à une personne ayant juste les aptitudes à faire des additions, de comprendre, de commenter et d’expliquer des théorèmes et autres casse-tête de l’arithmétique.

Dans ce cas-là, on se doit d’être honnête envers nous-mêmes, car tout entêtement malhonnête pourrait être la cause de notre égarement et nous faire sombrer dans des péchés très graves. L’Imam Chafi’i (qu’Allah l’agrée) a dit que tout rejet ou contestation d’une chose sans connaissance approfondie de celle-ci est une forme d’association (Chirk).

Et Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit dans un Hadith Qoudoussi : « Celui qui s’en prend à un de Mes Wali je lui déclarerai la guerre ».

Fin de la première partie.

Recherche et traduction par la Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe