Question-réponse 89

Comment doit-on considérer les divergences entre les savants et écoles juridiques ? Doit-on considérer celle qu’on a choisie comme la seule valable et authentique ?


REPONSE

Allah le Très Haut (qu’Il soit Glorifié et Exalté) dit : « Et si ton Seigneur avait voulu, Il aurait fait des gens une seule communauté. » (Sourate 11 Houd, verset 118)

Bien qu’il soit réclamé à celui qui suit les préceptes de la religion de se conformer à l’une des écoles juridiques, cela ne veut point dire que les autres avis sont des erreurs. Le mot d’ordre est la tolérance telle qu’elle fut exprimée par les grands Imam et pieux ancêtres de cette communauté. Prétendre être le seul à détenir la vérité et à suivre le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) est la plus grande innovation qui puisse être affirmée par le détenteur du savoir. Les écoles juridiques nées des grands Imam Moujtahid du passé, sont autant de coffres précieux qui se sont enrichis et ont prospéré au cours des siècles pour constituer la source du savoir la plus sûre et la plus affermie. Ils sont tous partis du vrai pour aboutir au Vrai et c’est pour cette raison que leur divergence est une miséricorde.

Seïdina Ahmed Tidjani (qu’Allah sanctifie son précieux secret) a expliqué, comme mentionné dans Djawahirou-l-Ma’ani: « En ce qui concerne la divergence des savants de cette communauté, chacun d’entre eux emprunte un chemin d’entre les chemins de la prophétie, c’est-à-dire les savants Moujtahid dans la vérité. Donc, en sachant cela, il n’est pas permis de critiquer l’un par rapport à un autre, car tout ce qu’ils détiennent est vérité et justesse. Il n’y a que l’ignorant pour s’opposer à eux. »

Il est essentiel d’ouvrir une parenthèse et d’insister sur un point avant de continuer :

Lorsque l’on parle d’Imam Moujtahid cela désigne ces hommes pieux qui ont excellé dans la science et dans les actes, dont les cœurs tremblaient à l’évocation d’Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) à tel point que leur langue n’hésitait pas à dire : « Je ne sais pas » quant on leur posait une question. Ce sont ces hommes de piété qui ont eu le témoignage favorable d’une quantité innombrable de croyants au cours de l’histoire, qui cherchaient à connaitre la vérité et non pas à avoir raison. Ce point est important, car malheureusement à notre époque trop de gens se hissent au rang de Moujtahid par leur prétention. Les décrets juridiques (fatwa) sont jetés à la communauté avec tellement d’insouciance et d’incompétence que l’on entend des propos, qui s’ils n’étaient pas si tragiques, seraient risibles. L’imam Malek (qu’Allah l’agrée) a dit : « Celui qui aime répondre aux questions concernant la religion, qu’il se souvienne que par cela il s’expose soit au Paradis soit à l’Enfer et qu’il réfléchisse à la façon de s’en sortir au Jour Dernier. Puis, après cela, qu’il répond. » Aujourd’hui l’ignorance est telle que l’on ne se contente plus d’affirmer : « Cela est autorisé, cela est illicite » mais on va jusqu’à déclarer : « Ceux-là sont égarés, ceux-là sont des polythéistes (Mouchrik). » Qu’Allah nous préserve de tomber dans cette calamité.

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « Parmi les signes de l’heure fatale figure le fait que la science soit levée et que l’ignorance règne. » (Rapporté par Boukhari et Mouslim.)

Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) nous a décrit comment la disparition de la science aurait lieu: ‘Abdallah Ibn ‘Amr Ibn Al-‘âs (qu’Allah l’agrée) a dit : « J’ai entendu le Prophète (paix et salut sur lui) dire :« Allah ne retire pas la science en l’enlevant aux gens, mais par l’extinction des savants. Lorsqu’il ne restera aucun savant, les gens prendront alors des ignorants qui seront questionnés et donneront des Fatwa (avis juridiques) sans science, ainsi ils s’égareront et égareront. » »(Rapporté par Boukhari et Mouslim.)

La forteresse que constituent les écoles juridiques est le moyen le plus sûr de ne pas prendre des ignorants à la langue savante pour trancher les affaires de notre religion et ainsi être préservé. Les écoles juridiques et ce qu’elles ont rassemblé comme science et avis peuvent être comparés à un câble démesuré, à la solidité ferme, auquel on s’accroche pour pouvoir se hisser sans risque. Vouloir se référer à un savant sans école, quel que soit sa renommée, revient à vouloir se hisser par une mince corde à linge. Mais, pour ce qui est de se référer aux avis de ces petits étudiants et imam de « quartier », loin des références des écoles des grands Imam Moujtahid, cela revient à vouloir se hisser par le biais du fil de l’araignée.

Pour en revenir à la divergence il faut savoir qu’elle est de deux sortes : la divergence condamnable et la divergence louable :

La divergence condamnable est celle qui pousse à la querelle et elle a plusieurs causes comme les tromperies de l’ego et l’autosatisfaction de son opinion ; la mauvaise opinion et l’empressement à suspecter les autres sans preuve ; la convoitise de la prétention, de la place d’honneur ou du privilège ; le suivi des passions et l’amour envers les biens de ce monde ; le dogmatisme vis-à-vis d’une école de jurisprudence ; le fanatisme patriotique ou celui d’un parti ou d’un groupe ; le peu de science dans les rangs de nombreux meneurs…cette divergence est synonyme d’intolérance, elle sépare les cœurs et brise la fraternité.

La divergence louable est celle qui permet de diversifier, cela signifie qu’il s’agit de l’émergence d’avis divers à partir d’une seule source, elle fructifie la profondeur de la pensée, et permet l’élaboration et la structuration de diverses sciences. Cette divergence est empreinte de tolérance, elle influe sur les idées, mais ne détériore ni les cœurs ni la fraternité.

Il y avait certainement des divergences entre les grands Imam que sont Abou Hanifa, Malek, Chafi’i, Ahmed, Thaouri, Al Aouza’i et d’autres qu’eux. Pourtant ils n’essayaient d’aucune façon de forcer les autres à se ranger à leurs avis, ni ne s’obstinaient dans leurs sciences ou leur religion à cause de la divergence. Et cette divergence existait aussi chez les Chouyoukh de ces Imam et ainsi de suite jusqu’à chez les grands et petits parmi les Suivants. Mais cette divergence existait aussi à l’époque des Compagnons (qu’Allah les agrée) et même à l’époque du prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) qui l’a corroboré sans la condamner à l’exemple du récit sur la prière du ‘Asar chez les Banou Qouraydha.

En effet, Boukhari a rapporté qu’après la bataille du Fossé, le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) déclara : « Que personne n’accomplisse la prière du ‘Asar si ce n’est chez les Banou Qouraydha ». Les Compagnons (qu’Allah les agrée) se mirent donc en route vers le lieu indiqué. L’heure de la prière du ‘Asar survint alors qu’un certain nombre d’entre eux étaient encore en chemin. Parmi ces Compagnons (qu’Allah les agrée) certains dirent: « Nous n’accomplirons la prière que là où le Prophète nous a ordonné de le faire, l’heure légale dût-elle se terminer pour nous » tandis que d’autres déclarèrent : « Nous allons plutôt accomplir la prière (tout de suite et ici même), le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) n’a pas voulu cela de nous » Lorsque ces deux groupes de Compagnons rejoignirent le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), on relata à ce dernier qu’il y avait eu deux interprétations différentes de sa parole et qu’il y avait eu une divergence. Les uns ayant en effet accomplis la prière du ‘Asar en chemin, les autres ayant attendu pour cela d’arriver chez les Banou Qouraydha . Le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) ne fit alors de reproche à aucun des deux groupes.

Une des questions sur laquelle les compagnons divergèrent encore concernait l’endroit où le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) devait être enterré. Quelqu’un suggéra qu’il devrait être enterré dans sa mosquée. Un autre proposa le lieu où reposaient ses compagnons (qu’Allah les agrée). Abou Bakr dit alors (qu’Allah l’agrée) : « J’ai entendu le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) dire qu’on enterrait toujours un prophète là où il était mort. » Ils déplacèrent alors le lit sur lequel il était mort et creusèrent à cet endroit sa tombe pour l’enterrer. (Sirah d’Ibn Hichem et aussi Sounan de Tirmidhi)

À la mort du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), quand Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) devint Khalife et que certaines tribus renièrent leur foi, ‘Omar (qu’Allah l’agrée) dit au Khalife : « Comment peux-tu combattre les gens alors que le Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) a dit : « J’ai reçu l’ordre de combattre les gens jusqu’à ce qu’ils disent : Il n’y a point d’autre dieu qu’Allah. Quiconque affirme cela, sa vie et ses biens sont inviolables, sauf pour ce qu’il doit en vertu de cette profession de foi et pour lequel Allah leur demandera des comptes. » À ceci Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) répondit : « Je ferai la guerre à quiconque dissocie la Salat de la Zakat, car la Zakat est le dû sur la richesse. Par Allah, je les combattrai s’ils refusent de me donner, fut-ce une chevrette qu’ils avaient l’habitude de donner en guise de Zakat du vivant du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). » Omar (qu’Allah l’agrée) commenta par la suite : « Par Allah, j’ai compris que c’était Allah qui avait guidé Abou Bakr vers cette décision et que c’était là la voie à suivre. » (Boukhari dans le commentaire Fath Bari)

Il y eut ce désaccord entre Abou Bakr et ‘Omar (qu’Allah les agrée), parce que ‘Omar et ceux qui pensaient comme lui s’en tinrent au sens littéral du texte ; ils considérèrent que le fait de devenir musulman en prononçant la profession de foi (Chahada) rendait la vie et les biens de l’individu inviolables et, en conséquence, ne permettait pas qu’on le combatte. Mais Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) s’en tint à la parole du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « sauf pour ce qu’il doit », et considéra la Zakat comme le dû sur la fortune qui, si elle n’est pas payée, fait perdre à l’individu la protection mentionnée. De même, il comprit que si la Salat et la Zakat sont liées dans presque tous les versets Qoraniques et hadith du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui), cela signifie qu’elles sont destinées à rester inséparables.

Parmi les autres sujets de désaccord entre Abou Bakr et ‘Omar (qu’Allah les agrée), citons la question des prisonniers de guerre, de la distribution des terres conquises et de l’égalité de l’allocation financière destinée aux musulmans.

En ce qui concerne les prisonnières de guerre, Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) estimait bon de garder les captives à la garde des musulmans. Par contre ‘Omar (qu’Allah l’agrée) avait un avis contraire sur la question. Lorsqu’il devint Khalife, il annula la décision de Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) et restitua à leurs familles les captives, à l’exception de celles qui avaient eu des enfants des hommes à qui elles avaient été confiées. Parmi celles-ci se trouva Khawla bint ja’far El Hanafiya, mère de Mohammed ibn ‘Ali (qu’Allah les agrée). En ce qui concerne l’allocation des terres conquises, Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) les distribua tandis que ‘Omar (qu’Allah les agrée), qui penchait pour le système de fondations pieuses (Waqf), les maintint sous le contrôle de l’état durant son Khalifa. Quant à la question des allocations financières, Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) était en faveur des donations équilibrées. ‘Omar (qu’Allah l’agrée) quant à lui opta pour un traitement préférentiel pour différentes catégories de musulmans. En effet, Omar (qu’Allah l’agrée) compara les mérites des musulmans avant de faire des donations.

Par ailleurs, en ce qui concerne la question de la succession, ‘Omar n’avait pas désigné son successeur, tandis que Abou Bakr l’avait fait en faveur de ‘Omar (qu’Allah les agrée). Les deux hommes eurent également des avis différents sur bon nombre de questions jurisprudentielles. Mais le désaccord ne fit qu’augmenter l’amour d’un frère pour l’autre. Ainsi quand Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) désigna ‘Omar comme successeur, il s’entendit dire par certains musulmans : « Que répondrais-tu à ton Seigneur s’Il t’interrogeait sur ton choix de ‘Omar comme successeur, alors que tu connais sa rudesse ? » Abou Bakr (qu’Allah l’agrée) répliqua : « Je répondrais : « Ô mon Dieu, j’ai choisi le meilleur d’entre ceux qui vous suivent. » (Tabaqat d’Ibn Sa’d) Lorsque quelqu’un dit à ‘Omar (qu’Allah l’agrée) : « Tu es meilleur qu’Abou Bakr », il fondit en larme et répondit : « Par Dieu, une nuit dans la vie d’Abou Bakr est meilleure que la vie de ‘Omar et de sa famille. » Ce sont là quelques cas de désaccord entre ces deux illustres personnages. Leurs avis divergent certes, mais pas leurs cœurs qui recherchaient l’Agrément d’Allah et non pas le pouvoir terrestre.

Il en est de même entre ‘Omar et Ali (qu’Allah les agrée). ‘Omar, qui était Khalife, fit savoir un jour à une femme dont l’époux était absent et qui, malgré cela, recevait des visites masculines, qu’il désavouait son comportement. On lui intima l’ordre de répondre à ‘Omar (qu’Allah l’agrée) et sa panique fut telle qu’en se rendant chez lui alors qu’elle était enceinte, elle fut prise de contractions. Elle entra donc dans une maison et accoucha. Le nouveau-né fit entendre deux vagissements puis mourut. ‘Omar (qu’Allah l’agrée) anxieux demanda alors conseil aux compagnons du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). Certains lui répondirent que ce n’était pas sa faute, qu’il n’avait agi qu’en gouverneur consciencieux et que, par conséquent, il ne devait rien à cette femme. Mais ‘Ali (qu’Allah l’agrée), qui était présent, resta silencieux. Alors ‘Omar (qu’Allah l’agrée) se tourna vers lui et lui demanda : « Et toi ‘Ali qu’en penses-tu ? » Il répondit (qu’Allah l’agrée) : « Si c’est vraiment leurs avis qu’ils expriment, ces hommes se trompent. Et s’ils cherchent uniquement à te plaire, alors c’est un bien mauvais conseil qu’ils t’ont donné. Je pense que tu dois compenser la mort de cet enfant en payant le prix du sang (Diya). C’est toi qui as effrayé cette femme et si elle a perdu son enfant c’est par ta faute. » (D’après Mouslim, Abou Daoud et Ibn Hibban). ‘Omar (qu’Allah l’agrée) se rangea à l’avis de ‘Ali (qu’Allah l’agrée) et ne vit aucune honte à s’en remettre à son jugement alors qu’il était lui-même l’Émir des croyants.

Malgré l’intimité et le respect que se vouaient ‘Omar et Abdallah ibn Mess’oud (qu’Allah les agrée), ils n’étaient pas d’accord sur plusieurs points. Par exemple Ibn Mess’oud (qu’Allah l’agrée) plaçait sa main droite sur sa gauche pendant la prière et ne les posaient pas sur les genoux alors que ‘Omar (qu’Allah l’agrée) recommandait exactement le contraire. Ibn Mess’oud (qu’Allah l’agrée) considérait la remarque faite par un époux à sa femme : « Tu m’es interdite » comme un serment impliquant un divorce irrévocable alors que ‘Omar (qu’Allah l’agrée) y voyait un divorce du premier degré. Ibn Mess’oud (qu’Allah l’agrée) considérait qu’un homme qui avait eu des relations illicites avec une femme puis l’avait épousée, demeurait un fornicateur, tout comme elle, tandis qu’ils étaient ensemble. ‘Omar (qu’Allah l’agrée) quant à lui, considérait leur relation première comme débauche et la seconde comme mariage valable. Ibn Qayyim stipule dans son I’lam Al-Mouwaqi’in que les points de divergence entre eux s’élevaient à une centaine. Pourtant, un jour deux hommes vinrent voir Ibn Mess’oud (qu’Allah l’agrée), l’un avait appris la récitation du Qoran sous la direction de ‘Omar (qu’Allah l’agrée) et l’autre sous celle d’un autre compagnon. Le premier dit : « C’est ‘Omar qui me l’a enseigné ainsi » et Ibn Mess’oud (qu’Allah l’agrée) tout en sanglotant lui dit : « Lis comme te l’a appris ‘Omar. Il était la forteresse imprenable de l’Islam et ceux qui y étaient admis restaient fidèles. Mais à sa mort ce bastion s’est lézardé. » Un jour ‘Omar (qu’Allah l’agrée) voyant approcher Ibn Mess’oud (qu’Allah l’agrée) dit : « Voici une citadelle remplie de sagesse et de savoir. » Telle était l’opinion que ‘Omar avait d’ibn Mess’oud (qu’Allah les agrée tous deux).

Les deux grands savants qu’étaient Ibn ‘Abbas et Zayd ibn Thabit (qu’Allah les agrée) se trouvaient de même souvent en divergence. Ibn ‘Abbas soutenait comme Abou bakr et beaucoup d’autres compagnons (qu’Allah les agrée), qu’en matière de succession, le droit du grand-père tout comme celui du père annulaient ceux des frères et sœurs du défunt. Zayd ibn Thabit (qu’Allah l’agrée) par contre, pensait comme ‘Ali et Ibn Mess’oud et une autre partie des compagnons (qu’Allah les agrée) que les frères et sœurs avaient autant droit à l’héritage que le grand-père. Ibn ‘Abbas (qu’Allah l’agrée) déclara un jour : « Zayd ne craint-il pas Dieu ? Comment peut-il accorder au petit-fils les mêmes droits qu’un fils et refuser au grand-père les mêmes droits que le père ? » Il dit aussi : « Je voudrais bien rencontrer ceux dont l’opinion sur les obligations religieuses est contraire à la mienne afin que nous posions tous la main sur la Ka’ba et implorions la malédiction de Dieu sur ceux d’entre nous qui mentent. »

Ibn ‘Abbas (qu’Allah l’agrée) convaincu comme il l’était de sa propre opinion et de la nullité de celle de Zayd, rencontra un jour ce même Zayd ibn Thabit (qu’Allah l’agrée) sur sa monture. Il lui prit les rênes et se mit à le guider en signe de respect. Zayd (qu’Allah l’agrée) lui dit : « Laisse, ô cousin du Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) » et Ibn ‘Abbas (qu’Allah l’agrée) répondit : « Il est de notre devoir de traiter ainsi nos savants et nos aînés. » Zayd (qu’Allah l’agrée) lui dit alors : « Donne-moi ta main. » Ibn ‘Abbas la lui tendit et Zayd l’embrassa en disant : « Il est de notre devoir de traiter ainsi les proches de notre Prophète (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui). » (Sounan Baïhaqi) Lorsque Zayd mourut, Ibn ‘Abbas (qu’Allah l’agrée) déclara : « Ainsi s’en va la science » D’après Al Baïhaqi dans son Sounan El Koubra, Ibn ‘Abbas a dit : « Ainsi s’en va la science, un savoir immense a été enterré aujourd’hui. » ‘Omar (qu’Allah l’agrée) quant à lui, avait l’habitude de consulter Ibn ‘Abbas sur les problèmes très difficiles à résoudre au même titre que les anciens Mouhajiroun et les Ansar, qui avaient ou non combattu à la bataille de Badr.

Certainement ces divers désaccords entre les Compagnons (qu’Allah les agrée) furent voulus par Allah (qu’Il soit Glorifié et Exalté) et c’est une miséricorde envers les membres de cette communauté afin qu’ils puissent s’orienter vers ce qui est, pour eux, le plus abordable. Le pieux Khalife ‘Omar ibn ‘Abdelaziz (qu’Allah l’agrée) a dit : « Il ne nous plairait pas que les compagnons du Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) n’aient point divergé, car s’ils n’avaient point divergé alors nous n’aurions point de flexibilité. » De par ces faits les savants ont unanimement soutenu la recevabilité des avis divergents.

Qarafi a dit : « Le consensus des savants a établi que le musulman peut choisir de suivre qui il veut d’entre les savants sans contrainte, et les compagnons ont unanimement établis que celui qui pose une question de droit à Abou Bakr ou à ‘Omar ou à ceux qui suivent leurs avis (qu’Allah les agrée), ils peuvent sans reproche aussi bien demander à Abou Houreyra ou à Mou’adh ibn Jabal ou toutes autres qu’eux. Ceux qui prétendent abroger ces deux consensus, ils se doivent de fournir leurs preuves. »

Abou ‘Amr ibn ‘Abdelbar a dit dans son Tamhid : « Ne voyez-vous pas que les compagnons sont nos guides et qu’ils ne dénigraient pas l’effort d’interprétation de l’un d’entre eux, sans éprouver de colère contre lui ou d’inimitié. C’est à Allah que vont nos plaintes, car Il est Celui qui secourt au sujet de cette communauté dont nous sommes issus et qui se permet de bafouer la sacralité du musulman s’il diverge d’avec lui […] »

Cheikh Mohamed ibn ‘Abdelbaqi Zarqani a dit, dans le prologue de son commentaire sur le Mou-ata, que le Calife Abbasside ordonna à l’Imam Malek (qu’Allah l’agrée) de regrouper les avis de son école de jurisprudence dans un livre, puis qu’il forcera les gens à tous s’y plier. Mais l’Imam lui répondit : « Non, car les compagnons du Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) se dispersèrent dans les pays et chacun a pris ce qui lui est parvenu. Laissons donc les gens là où ils se trouvent. »

Le Cheikh illustre Sidi Mohamed ibn Youssouf Al ‘Abdari connu sous l’appellation de « Al Mawwaq » a dit : « Si une personne constate un acte divergeant que n’ont pas constaté d’autres, il peut s’il le veut désapprouver cela pour lui-même. Toutefois, il ne doit pas pousser les gens à suivre son école juridique, auquel cas il sera la cause du grand désordre en eux-mêmes et de la confusion dans leur religion. »

Le Qadi ‘Iyadh a dit dans son commentaire du Sahih Mouslim : « On ne doit pas dire au sujet de la divergence des savants dans ce qu’ils autorisent ou interdisent que cela est illicite. »

Il a dit également : « Celui qui accomplit l’œuvre de recommander le bien et de blâmer le mal, il ne doit pas forcer les gens à suivre son école juridique. »

L’Imam Nawawi a commenté ces propos du Qadi ‘Iyadh en disant : « Quant aux avis divergents il n’y a aucune critique à faire. Il n’appartient pas au Moufti ni au Qadi de s’opposer à celui qui diverge d’avec lui, tant que cela ne va pas à l’encontre de l’énoncé du Qoran ou de la Sunna ou du Consensus […] »

L’Imam Nawawi et le Qadi ‘Iyadh ont dit tous deux : « Les Moujtahid (savants ayant les aptitudes à déduire des jugements) ont tous raison. »

Ibn Rouchd a dit dans sa Mouqadima : « Ce qui est le plus authentique de Cheikh Abou-l-Hasan Al Ach’ari c’est sa parole que tout Moujtahid a raison. » Et Ibn Rouchd a ajouté : « Et tel était l’opinion de Malek »

Ibn ‘Arabi el Hatimi (qu’Allah l’agrée) a dit : « Jai interrogé le Messager d’Allah (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) au sujet de la répudiation par trois fois avec une seule formule, c’est-à-dire que la personne lui dit : « Je te répudie par trois fois. » Il me répondit : « Cela est considéré comme s’il l’avait dit trois fois, tel qu’il l’a formulé, et elle ne lui est plus permise jusqu’à ce qu’elle se marie avec un autre. » Je lui dis : « Ô Messager d’Allah, il y en a parmi les gens de science qui la considèrent comme une seule répudiation. » Il me dit (que la prière et la paix d’Allah soient sur lui) : « Ils ont décrété cela suite à ce qui leur est parvenu et ils ont eu raison. » J’ai compris alors qu’il corroborait les sentences de tous Moujtahid et que tout Moujtahid a raison. »

Qu’Allah nous affermisse dans la vérité et le respect de la sacralité du musulman.

Recherche et traduction par la Zaouiya Tidjaniya El Koubra d’Europe